dimanche 23 octobre 2016

2. Parrain.




PARRAIN.




Après souper, mes grands-parents sont restés dans la salle, au rez-de-chaussée, à droite du couloir d’entrée, finir le travail de la journée, lire le journal, laver la vaisselle, ranger, balayer le sol de terre battue devant la grande cheminée où on a jeté les restes qui peuvent brûler et quelques pommes de pin qui ont craqué et jeté des étincelles qui m’étonnent tant et me font rire aux éclats.
A la tombée du jour, me poussant devant lui, Parrain est monté à notre chambre, à l’étage.
Les marches de l'escalier, déjà assombri, ont craqué sous son pas fatigué.

La porte a un peu grincé et frotté sur le plancher.
La fenêtre de notre chambre est au centre de la façade arrière qui donne sur un petit pré descendant en pente vers un talus et la route en contrebas. De là-haut on domine la campagne du côté du couchant.
A gauche, son lit, et, entre lui et le mur, le mien, petit, avec un sommier de son et un gros édredon rouge sombre.
Il a tiré la vieille chaise paillée.
Il l'a placée devant la fenêtre.
Un peu à droite.
Quand la croisée est petite, il faut s'en approcher davantage.
Attendant l'heure du coucher, il s'est assis en soupirant sur la chaise paillée qui lui a rendu son soupir.
Il m'a hissé sur ses genoux, mais sans peine tant je suis empressé de m'installer en ce nid familier.

La lumière du jour s’attarde.
Il m'apprend à regarder.
Il m'apprend à voir.
La grosse boule rouge descend lentement à l'horizon, au-delà des champs et des prairies.
Il me montre et m’explique les ombres des haies qui se sont allongées et déplacées en biais. Le rang d’arbustes qui borde le ruisseau. Les talus qui séparent les petits prés. Ceux qui nous font face et se sont masqués de violet profond. Les chaumes et les herbes qui ont perdu les riches couleurs dont ils brillent dans la journée.
Pour quelques minutes ils sont plus riches encore avant de s’éteindre. 
A droite, les cuisines des maisons de Roquinarc'h se sont allumées. Les femmes ont rentré les bêtes pour la traite du soir.
Les moissonneuses se sont tues. Les hommes vont travailler longtemps encore, profitant des jours les plus longs.
  
Il murmure à mon oreille. Comme s'il voulait que ses mots restent entre lui et moi. Son menton râpeux de n'être pas rasé tous les jours se pose sur mes cheveux. Je me serre contre son ventre et sa poitrine.
Je me réfugie en lui comme pour renaître de lui.
Sa pauvre joue creusée descend et me gratouille l’oreille.
Il avait été grièvement  traversée lors de l’explosion de l'Ocean-Liberty, le 28 juillet 1947, dans le port de Brest. Un éclat de verre tombé d'une fenêtre lui avait traversé la joue droite et profondément entaillé la langue et le palais. L'accident était encore récent. Il en souffrait moins mais en demeurait gêné pour parler et manger. Il avait beaucoup maigri.



Ses bras m’enveloppent. Nous ne sommes qu'un.
Je connais ses histoires. Presque toutes. Mais s'il ne me les raconte pas, la journée est incomplète. Dès les premiers mots je sais quelle sera la fin. Mais je patiente avec gourmandise jusqu'à ce qu’il me la dise, place le point final et donne le signal qu'il faut s'aller coucher et dormir.
Il connaît des contes charmants qui m’apaisent et me bercent. Heureux, je m’endors dans mon petit lit qui sent bon le foin.
Moi, oui, mais lui ? S'endort-il si facilement ?

Il raconte aussi des histoires tristes. Des moments de sa vie qui ont passé trop vite. Il raconte les rues de Carhaix, le port de commerce de Brest, la mer d’Iroise. Les blés de sa jeunesse et ceux de sa vieillesse.
Mignonne, quand le soir descendra sur la terre,
Et que le rossignol viendra chanter encore,
Nous irons écouter la chanson des blés d’or !



Il raconte le temps du café de la place Guérin, Au Bon Coin. La vitrine étroite habillée de bois sombre, avec la porte au milieu. Le temps de mon arrière-grand-mère que je ne l’ai pas connue mais qui est si présente tant il en parle. Ils avaient joint leurs solitudes pour terminer ensemble la vie, mais elle est trop tôt décédée après leur mariage tardif.
Je ne peux pas comprendre ses confidences.
Je suis trop petit.
A ses yeux.
A cause de son amour pour moi. Il me croit plus petit que je le suis à quatre ou cinq ans.
Est-ce pour cela qu'il me confie ses chers secrets ?
Il ne me chantonne pas des comptines d’enfant. Il n'ânonne pas. Il raconte. Il se souvient, dans le vague, à voix basse. Peut-être n'est-ce pas moi qui suis là dans cette conversation qu'il poursuit. Peut-être est-ce en compagnie de mon arrière-grand-mère qu'il remonte les ans et chemine dans la fraîcheur des arbres ou la lueur d'une chandelle. Peut-être sommes-nous tous trois, hors du temps.

Sur les bords de la Rance, où j'ons vu le jour
J'ons la douce espérance d’être aimé d’amour.
Dans une métairie comme aide-berger
Pour mieux voir ma jolie, je me suis gagé.

Refrain :
Ah… Nulle bretonne n’est plus mignonne à voir
Que la belle que l’on appelle Fleur de blé noir.
Non… Nulle bretonne n’est si mignonne
A voir que ma Fleur de blé noir.

Lorsque je l’ons croisée un soir dans le blé
Si blanche et si rosée, j’en fus aveuglé
Et ma lèvre ravie murmura Bonsoir
Salut à Vous Marie, la Fleur de blé noir.

C´est dans les blés de même, par un soir doré, 
Que je lui dis : Je t´aime, toujours t´aimerai.
C´est dans les blés encore qu’au doigt je lui mis, 
Un quinze août dès l’aurore, l’anneau des promis.

(…)

Vivant la vie heureuse que Dieu nous fera,
Attendons la faucheuse qui nous fauchera.
Quand vous verrez que tombe notre dernier soir,
Semez sur notre tombe des fleurs de blé noir.

Songeant à sa vie et à la tendre amitié qui en ensoleilla le soir il fait couler une mélopée dans son souffle que l’âge a rendu plus lourd, plus lent, plus court.

Je t´aime, toujours t´aimerai.
C´est dans les blés encore qu’au doigt je lui mis, 
Un quinze août dès l’aurore, l’anneau des promis.
Attendons la faucheuse qui nous fauchera.
Quand vous verrez que tombe notre dernier soir,
Semez sur notre tombe des fleurs de blé noir.

Le sens de ses mots m'échappe mais je ressens ce que dit leur musique.
Profondément...
On ne se méfie pas assez de soi. Et des enfants.

Il fredonne tout bas. Sa voix chevrote.
Il ravale sa salive. Sa joue flageole et flotte avec son souffle. Singulière.
Il évoque les sourires et les joues fraîches des jeunes filles. La vie fera d'elles des femmes de paysans pliées vers la terre, ou des épouses de marins qui attendront au Pays Breton, sur les quais déserts ou les falaises de granite. 
Il chantonne l'absence, Paimpol et sa Falaise, les ajoncs d’or et la fleur de blé noir.
Ceux qui ne reviendront plus. Ceux qui ont disparu en mer.
Les Marins, ces hommes qui ne sont ni des vivants ni des morts.

C'est à Elle qu’il pense. A elle, qui ne reviendra pas.
C'est lui qui est sur la digue ou le rocher. C'est lui qui attend. Sans espoir. Elle ne reviendra pas.
Il attend la mort pour la rejoindre.
Il la souhaiterait, mais il ne le peut pas car il y a un petit, là contre sa poitrine, et qui compte sur lui. Alors il attend, simplement.
Jamais il n'arrive au bout de la chanson. Sa voix mal assurée achève de se briser. Il sanglote. Ses bras me serrent plus fort.
Tout son corps sanglote.
Ses larmes coulent sur ma joue.
Il arrive qu'on devine de bonne heure ce qu'est un tendre secret.



La musique fêlée de sa voix continue de me bercer. Elle égraine le pays breton. Tout contre mon visage.
Il chantonne Botrel.
Il fut ma première passion parce que nous étions seuls au monde. Mon horizon et mon champ de vision se bornaient à lui et j'imaginais pouvoir lui être utile. Remplacer...
Il me semble que du matin au soir nous ne nous quittions pas. Des repas aux promenades, des siestes au coucher. On cherchait l’un, on trouvait les deux. Chacun empêchant l'autre de se perdre. A sa façon.
Il était le patriarche. Enfin, le patriarche d'une partie de la tribu car il lui fut refusé de l'être de l’ensemble de la maisonnée.
Dame, il n'était venu qu'en secondes noces faire beau-père…

Il m'en aimait doublement. Comme pour protéger des hasards de la vie ma si jeune personne en voie de construction.
Une part de ses sentiments  ne m'était pas vraiment destinée. Pas tout à fait. Mon arrière-grand-père reportait sur moi une part de l’amour qu’il avait pour mon arrière-grand-mère, morte moins de deux années après ma naissance.
Trois années plus tôt, à peine.
Je venais d'arriver quand elle s’en est allée.
Quand je fus en âge de le sentir sinon de le comprendre il était encore au fond de sa tristesse, de sa mélancolie. Dans la nostalgie d’un trop bref bonheur. J'en fus baigné, si profondément que sa morosité est devenue une part de ma nature. 
Quand il s'en alla, je n'étais pas fermement construit, tant imprégné de lui que son genre et son âge étaient l'idéal que je cherchai sur les visages pour compenser son absence. J'avais appris de lui le mélange du bonheur et de la tristesse, celui du plaisir, de la contrainte et de la douleur. Le mélange de l'esprit et de la chair.
J'étais imprégné de lui. Comme le poulain qu'on sauve et nourrit au biberon quand sa mère n'a pas survécu s'imprègne de celui ou celle dont la main apportait nourriture et caresses.

Là-haut, à Ker Heol sur sa colline des Monts d'Arrée offerte aux vents de l'océan qui couchent les genêts, les ajoncs et les bruyères. Dans ce pays des landes où nous allions tous deux à pied. Ensemble.
Là-haut, sur sa colline des Monts d'Arrée, la chapelle solitaire du Mont Saint-Michel de Brasparts tenait courageusement tête aux mêmes vents qui empêchent la végétation non de vieillir mais de grandir. Depuis Ker Héol, nous suivions la route de Saint-Rivoal, puis prenions les chemins étroits. Il me menait cueillir un bouquet de bruyère ou observer les salamandres sous les bacs pleins d’eau glacée et de pierres blanches à côté de la chapelle. Ma petite main dans la sienne. Il m’aidait à le suivre.

On me voyait souvent, affectueux et câlin serré contre lui. Je venais tendrement à gron me noyer dans les plis du gros velours côtelé de ses pantalons, attiré vers lui comme le chaton vers le ventre nourricier tant par le réconfort et la chaleur que par l’odeur rassurante. Le visage enfoui je m’imprégnais de lui.
Ce gros velours de bonheur était lui.
Lorsqu'il s’en fut allé je recherchai sa chaleur et ses parfums dans ses tiroirs, son armoire, ses objets. Il revivait à travers ses traces et le souvenir de ses odeurs. Sa casquette de marin et son chapeau melon. La canne dont sa main avait tenu le pommeau, toute simple mais élégante, comparable à ces anciens clubs de golf anglais tout en bois. Si légère. Une plume. Même celle du tabac de sa pipe froide qui dénonce si fort ce qui a passé, et confirme qu’il n’est plus. Ses petites lunettes rondes cerclées façon Windsor, teinte écaille, avec les extrémités souples s’enroulant derrière les oreilles. Son porte-plume et ses crayons. Sa gomme devenue dure et sèche. Et la photo de son épouse, au-dessus de son lit. Son couteau au manche en galalithe jaune, dont la lame repliable était si usée.

A Ker Héol, tous les jours nous descendions dans la prairie en contre bas, de l'autre côté de la route et du ruisseau où nous puisions l'eau dans un pot à lait en aluminium coiffé d'un couvercle creux attaché par une chaînette.
Le terrain en pente était partagé par un petit talus planté de quelques frênes. Dans l'angle gauche croissaient quelques sureaux et noisetiers. Arrivés au milieu de la prairie il m'éloignait de lui et m'envoyait jouer un peu plus loin. Il s'esquivait derrière les arbrisseaux. Intrigué par cette obligation qu'il me faisait de le laisser seul, je n'avais qu’une envie, savoir pourquoi.
Je m’allongeais dans l'herbe haute, caché derrière le petit talus et ouvrais de grands yeux. Au ras du sol, je l'apercevais de nouveau sous les branches basses. Après quelques pas il s'accroupissait sous les feuillées.
Hors de la maison, aux déhorss, disait-il en aspirant le h et ajoutant plein de s à la fin, il appelait cela les feuillées. Aux dedans, c'était les douais...
Captivé par ce miracle chaque jour renouvelé, j'apprenais que les grandes personnes ont des secrets, des mystères, des prodiges qu'elles ne partagent pas avec les enfants.
Les petits enfants ont l'art du camouflage. Il leur suffit de se cacher derrière le premier obstacle, sinon le plus propice, pour devenir invisibles.
Comme je ne voyais plus Parrain, j'étais certain qu'il ne me voyait pas non plus. Même si un pied, un bras ou le haut de la tête dépassent. Non, non, tout ça ne compte pas ! Comme lorsqu'on joue à cache-cache et qu'on crie Ayééé ! Tant que ne retentit pas Je t’ai vu ! Après avoir compté jusqu'à dix.

Gilbert appelait sans cesse Parrrrain, Parrrrain ! racontait ma grand-mère toute fière et heureuse que son petit garçon et son beau-père se complètent, se comprennent et s'aiment tant.
Et moi donc !
Quand nous nous promenions, Pataud, le bon vieux gros chien de la ferme venait derrière, claudiquant depuis qu'une voiture l'avait heurté. Je n'avais pas conscience de la pénibilité de sa marche. Plus tard, je nous en voulus qu'il dût trotter seul et douloureusement derrière nous.

Il advint que, d'une phrase définitive et jalouse, on crut balayer mes souvenirs qu'on tenait pour idéalisés et fusionnels ... Parrain n'aurait été ni si tendre ni si sentimental !
L'âge des questions venait, celles qu'on pose et celles qu'on se pose.
Celles qui nous sont posées et qui parfois sont les plus dangereuses.



Parrain n’était pas mon parrain.
Né à Carhaix le 17 février 1871, il était fils de François Paul et de Marie-Anne Fercoq.
Le 26 septembre 1898 il devint le second époux de Marie-Yvonne Corre, née le 27 octobre 1866 à Plouénan, mon arrière-grand-mère maternelle, fille de père inconnu et d’une demoiselle Marie Corre.
Il était célibataire.
Elle était veuve.
Il devint le beau-père de ma grand-mère maternelle, Anna-Louise Guérer, qui, lorsqu'elle donna le jour à Eugénie-Louise-Anna, ma mère, le choisit pour parrain de sa fille.
Son fils, le P’tit-Louis Paul, fut choisi pour être mon parrain.

Une photo sépia les montre tous. Au premier plan, mon arrière-grand-mère et son second époux, Parrrain, sont assis de chaque côté de ma mère. Debouts, derrière, mon grand-père et ma grand-mère, et , à gauche, le P'tit Louis demi-frère de ma grand-mère.

Louis Guérer, né à Cléder, fils le 17 septembre 1865 d’Augustin Guérer et de Marie Yvonne Bellec, le premier mari de mon arrière-grand-mère avait disparu le 29 janvier 1895 dans le naufrage du bateau sur lequel bien que cocher, il avait embarqué. On disait que tombant à la mer il avait été broyé par l'hélice.
Trois enfants étaient nés de lui et de Marie-Yvonne Corre. Une fille, ma grand-mère maternelle, Anna-Pauline Guérer et deux garçons, Paul-Marie et Louis, morts en très bas âge.
Trois ans plus tard mon arrière-grand-mère se remariait avec Jean-Louis Paul qui fréquentait le café Au Bon Coin, qu'avec mes grands-parents elle tenait rue Massillon à l’angle de la place Guérin. Le café était au nom de mon grand-père maternel, Joseph-Victor Saliou. Son prénom était inscrit sur la vitrine comme une grande signature blanche.
Ils eurent deux enfants, Maria et François-Louis, dit le P'tit Louis, mon parrain, certes, mais pas Mon Parrrrrain.
Cinq demi-frères et demi-soeurs s’ils avaient tous vécu.
Ceux « du premier lit » et ceux du « second lit » expliquait ma grand-mère. Cette façon de dire me semblait indécente, blessante, destructrice sans doute involontairement, de la pureté de l’image que j'avais de la famille et de mon Parrain.
Quoi, ils ne passaient quand même pas toute leur vie au lit ?

Les femmes de cette époque portaient le deuil. Deuils de leur père et de leurs oncles. Deuils de leurs frères et de leur époux. De leurs enfants morts en bas âge.
En noir dès leur maturité, les cheveux serrés sous la koeff bleo par-dessus laquelle elles n’attachaient l'emblématique coiffe de la région que les dimanches et fêtes. Parrain était donc le beau-père de ma grand-mère maternelle.
C'était bien compliqué.
On n'en parlait jamais.
Non que cela fut caché. J'imaginais bien que les grandes personnes en parlaient, mais comme j'étais petit on pensait sans doute que je ne pouvais pas comprendre.
Voilà pourquoi j'ai cru très longtemps qu'il se cachait une quelconque source de dissension entre les deux origines familiales. Les adultes, ça se trouve toujours une raison de se disputer. Moi je croyais qu'on reprochait au Parrain Paul de n'être pas le père de ma grand-mère Anna Guérer.
Elle, pourtant, l'appelait Papa avec tendresse. Tendresse et autorité. Et lui répondait "ma fille" avec une infinie compassion. Pensant-il alors au vrai père de sa fille déchiqueté par l’hélice. Ce dont, certainement, elle avait conçu une tristesse sans limite quand elle était enfant. Alors il disait ma pauvre fille...
Parrain était le parrain de ma mère...
Donc je l’appelai Parrrrain.
Et l'aimai aussitôt !

Dans le Brest bombardé, la famille occupait trois logements de la paroisse Saint-Martin, autour de l'angle de la rue Massillon qui descend du cimetière de Kerfautras et de la rue Navarin, une des rues qui mènent au cimetière « de Brest ». Tout près de la place Guérin.
Mon grand-père maternel Joseph-Victor Saliou et ma grand-mère Anna au rez-de-chaussée du 36 rue Massillon. Parrain Jean-Louis Paul qu’on appelait Louis, et mon arrière-grand-mère Marie-Yvonne, qu’on appelait Maryvonne, dans la maison d'en face, au premier étage. Il y avait aussi le café, tout proche. Enfin, mes parents au 27 rue Navarin, au premier étage par un escalier sombre à cause d’une lourde porte pleine donnant sur la rue.



Tous vivaient là, avant ma naissance, jusqu'à ma dixième année.
Quand je suis né, Parrain avait quatre-vingts ans. Mes grands-parents maternels tenaient encore le café.
Mes parents avaient vingt-sept ans et travaillaient tous deux pour que leur foyer prenne au plus tôt son indépendance.
C’est pour toi que nous travaillons, insisteront plus tard mes parents.
C’est pour toi que tes parents travaillent confirmeront mes grands-parents.
Puisque tous étaient d'accord, je déduisis de bonne heure que leurs soucis venaient de moi et que j'étais responsable de l'absence si longue et si permanente de mes parents pendant mes onze premières années. A cet âge ma vision du monde était étroitement centripète. J'avais dû être très méchant pour causer tant de désagréments à tout le monde. Et comme je souffrais de l'absence de mes parents, je conçus qu'être tant puni à souffrir de l'absence était forcément la preuve concrète d'un très gros péché ! Un péché certainement de ma faute. Tout simplement du fait même de ma naissance, de mon existence. Il ne me fallut pas beaucoup d'années pour le penser.
Mon père était jeune marin de la Royale, puis technicien de la même marine à Saigon. Ma mère était secrétaire chez un notaire puis employée par le ministère de la Reconstruction créé après-guerre pour rebâtir le pays et dissout lorsqu'il ne fut plus nécessaire. Cela venant après un sombre passage au bureau de la censure sous l’Occupation...
De tout cela je ne savais rien alors, ou n'en avais aucune conscience.

On me mit de bonne heure, à deux ans, à l’école préparatoire.
C’est pratique pour se débarrasser rapidement des enfants qu'on ne sait pas trop comment garder. Et pour tourner promptement la page des maladies infantiles. Les Soeurs étaient gentilles. Elles soulageaient mes parents et grands-parents de ma garde, et moi d'à peu près toutes les maladies qui étaient prévues.
Et même d’autres qui ne l'étaient pas.
Ce qui me valut de passer un an au lit, quelque peu paralysé, et plus tard nous fit connaître Ker Heol puis l'île-Tudy pour de longues cures de bon air doctement prescrites.
Atteint momentanément et sans séquelles par le virus de la polio, paralysé du bras droit et de la jambe gauche, je passais une partie des journées, couché ou assis dans mon lit, seul dans la chambre de mes parents. Placé dans l'angle opposé à la fenêtre, derrière la porte quand elle était ouverte, le lit me donnait à voir toute la pièce à contre-jour. C'est bien, les coins, ça protège. Quand on rêve au moment de s'endormir et qu'on devient faon apeuré dans la forêt bruissant de mille rumeurs indéchiffrables il suffit de se tourner vers le coin des murs. Ainsi tourné, les dangers ne pouvaient plus m'atteindre. A l'entrée de ma cache un grand cerf puissant, dominant, sage et protecteur prenait place et veillait sur la paix de mon sommeil.
J'attendant les passages de mes grands-parents quand ils s'échappaient du café, ou plus souvent, de Parrain. Cet entre-parenthèses dura une pleine année. Il éveilla ma créativité et me rendit provisoirement ambidextre. On n'eut pas l'idée de me faire travailler et conserver cette aptitude, mais il m'en reste une certaine habileté pour les petits travaux manuels. Peut-être est-ce à cela que j'ai dû de bien dessiner ? Je fabriquais des petits bonshommes et animaux en fil électrique et en laine. Je mettais en scène des jeux de rôles, des combats armés, des cowboys à cheval ou la vie de la ferme. Mon imaginaire s'en trouva nourri et élargi. Je m’inventais des personnages, des visages, des bêtes fantastiques ou familières dans les nuages qui passaient, dans les motifs du papier peint, dans des ombres portées ou des plis de quelque vêtement. Une liseuse bleu-clair, transparente, que ma mère jetait sur le dossier d'une chaise était tantôt des ciels immenses, tantôt des profondeurs marines insondables. J'explorais et les uns et les autres. J'en avais bien le temps.
Les arrière-grands-parents et les grands parents sont des personnes admirables qui ne travaillent jamais. Ou pas souvent.
Ils sont là pour apporter de la laine ou du fil électrique gainé de couleurs variées, pour jouer, et, ce qui est la même chose, pour expliquer avec patience l'univers si compliqué qui entoure les enfants. Ils apportaient du carton épais dans lequel je découpais les côtés et le toit du saloon ou de la ferme, ou des feuilles de papier et des crayons pour dessiner. Au-dessus du lit une étagère était la maison du petit bonhomme au gros nez, Lariflette, qui ne faisait que des bêtises
Ne mets pas les doigts dans ton nez sinon tu vas ressembler à Lariflette.
Eclats de rire.

Parrain était le plus délicieux des arrière-grands-pères. La porte de l'entrée s'ouvrait et se refermait. Parrain, mon grand cerf protecteur, arrivait à l'entrée de la cache du petit faon. Bonheur.
Il faisait ma toilette dans le grand tub en fer galvanisé puis venait le moment des jeux.
Il était plutôt petit. Pas pour moi, car pour moi il était fort et impressionnant. Mais on le disait petit. Admettons. Son crâne pointu en ogive, luisant.
Soulevant le drap qu’il accrochait a l'étagère de Lariflette, il transformait mon lit en une cagna merveilleuse rien que pour lui et moi. De sa voix chevrotante à cause de sa joue blessée, il me lisait ou me racontait des histoires.



Celles des moments de sa vie. Celles des livres illustrés qu’il m’apprenait peu à peu à déchiffrer, devançant l'école pour mon plus grand profit. Les aventures de Pattecourte et Courtepatte. Bécassine avec sa robe bretonne verte, sa coiffe, son tablier blanc et son parapluie ou son balluchon. Lariflette encore... On jouait à pince-mi pince-moi en riant, et cela me remplissait de joie que pince-mi tombe à l'eau car ensuite viendraient petits pinçons et chatouilles !
Cela me faisait plaisir d’apprendre vite.
Pour lui faire plaisir, pour faire plaisir à chacun. Présent ou absent.

Mon grand-père avait souffert lui aussi. dans les tranchées de 14-18. Des maux d'estomac et d'intestin dont il ne guérira jamais tout à fait et qui lui avaient valu la priorité de tenir son café. Il relayait parrain auprès de moi pour les toilettes, les jeux et l'initiation à la lecture. Ma grand-mère et mon grand-père, comme les gens de leur génération, avaient une jolie écriture classique comme on l'enseignait de leur temps. Ils ne faisaient pas de fautes d’orthographe. Elle dessinait bien et avait un œil aigu, le sens des couleurs. Elle avait appris le dessin à ma mère et faisait de même pour moi. Grand-père et elle, tous deux, m'encourageaient et m'assuraient que mes parents seraient contents si je travaillais bien. On le leur dirait dans les lettres qu'on enverrait au Viet Nam et où j'ajouterais un dessin et un petit mot bien sage.




Ensemble, on riait souvent.
Les raideurs et douleurs de la polio disparurent. Quand ma grand-mère me demandait de l'aider à plier un grand drap et qu'elle inversait le sens du pliage pour que je m’y perde ou tirait d'un seul coup pour qu'il m'échappe. Plutôt pour que je réapprenne à mouvoir bras et jambes. Quand elle avait acheté des écheveaux de laine ou avait détricoté un vieux pull. Elle me faisait écarter les bras pour tenir l’écheveau, se plaçait en face de moi et embobinait la laine en pelotes bien rondes. Il arrivait que deux ou trois tours de l'écheveau m'échappent. Il fallait remettre la laine en ordre. C'était toujours drôle et souligné de rires.
Quand elle assemblait la pâte des crêpes du soir ou du lendemain et la laissait reposer dans un grand récipient de terre cuite vernissée de gris et de brun, elle faisait semblant de faire couler l'eau pour laver le grand bol où elle avait tourné ensemble la farine, les œufs, le sucre, une cuiller d'huile et une pointe de rhum. A voix haute elle se demandait s’il y avait par-là quelqu'un qui eut envie de lécher la cuiller en bois ou même le plat. Du coin de l'œil elle m'y invitait. Tandis que du doigt je recueillais le reste de pâte qui avait collé aux bords du bol, nous échangions des regards complices et joyeux. Heureux.
J'avais de la chance. Je ne le mesurais probablement pas. Mais en tout cela, je voyais la confirmation que faire plaisir aux grandes personnes, parents, grands-parents, arrière-grands-pères, était le rôle des enfants. C'était ce à quoi je devais m’employer. Peut-être alors qu’ils seraient moins absents et moi moins puni. Je cherchai et trouvai des façons auxquelles ils n’avaient pas pensé.
Aller à l'école avait un inconvénient. Cela me laissait moins longtemps avec Parrain. C'était un gros souci car je le trouvais de plus en plus souvent seul, mélancolique, au fond de sa tristesse. Ma grand-mère, désolée elle aussi le consolait de son mieux, mais il lui disait ma pauvre fille avec de grands gestes d'impuissance et des regards qui me déchiraient.
Quand j'avais eu environ deux ans, il s'était passé quelque chose de terrible qu'on m'expliqua ensuite du mieux possible. Il me fut expliqué que mon arrière-grand-mère était au ciel. Parrain avait perdu mon arrière-grand-mère.
Mon monde basculait. Tout était plus compliqué. Parrain avait aimé quelqu'un autant qu’il m’aimait et cette personne n'était plus là. Puisqu'il me semblait qu’il venait vers moi pour me donner du bonheur, il avait sans doute apporté autant de bonheur à mon arrière-grand-mère. En même temps il recevait de moi autant d'amour que je le pouvais. Mon arrière-grand-mère aussi, sans doute, lui apportait cela, et c'est ce qui lui manquait désormais. Il en avait beaucoup besoin. Beaucoup. Il me suffisait donc de l’aimer deux fois plus pour qu’il soit heureux.
Il y avait plein d’autres mystères.
Par exemple je me demandais pourquoi un papa n'est jamais là tandis qu’un grand-père ou un parrain arrivent quand on les appelle en riant ou en pleurant. Pourquoi mes parents étaient tout le temps absents alors que je les aimais le plus fort possible ainsi qu'on me le recommandait. Pourquoi était-ce à mon père qu’on me disait le plus souvent de faire plaisir en étant sage ou en travaillant bien, alors que le plus absent, malgré mes efforts, c'était lui ?
Un jour, mais du temps avait passé et j’allais sur mes neuf ans, on parla d’une grande maison, dans un autre quartier de Brest. On allait la faire construire de toutes pièces, avec un grand jardin et y partir habiter tous ensemble. Parents et grands-parents seraient là. Surtout, Parrain y aurait sa chambre, et moi aussi. Un peu comme à Ker Heol.
Quelle joie cela allait être, on ne se quitterait plus jamais...
Ce qui arriva. Enfin, presque...



Il arriva même que mon grand-père et Parrain se disputent dans le couloir du rez-de-chaussée de la nouvelle maison. Ce n'était jamais arrivé avant. Fautive la maison ? Ou la vie en commun ? Le bruit qu’ils firent me fit descendre quelques marches de l'escalier d’où je suivis leur bataille avec effroi.

Parrain tenait avec minutie les comptes de ce que sa fille dépensait pour lui. Rien n’y manquait. Même pas les centimes après la virgule. Le petit carnet de comptes était tout couvert de chiffres, serrés, alignés. Avec les totaux en bas des pages, sous un trait tiré à la règle. Il écrivait avec un petit crayon noir, normal en apparence. Mais il mouillait la mine sur le bout de sa langue et, magie, le crayon noir écrivait violet.
Grand-père tenait tant d’efforts pour inutiles et mélangeant ce qui pouvait ou devait être considéré comme cadeau ou sans importance. Rien n’y faisait. C’était peine perdue. Parrain persistait.
Ce jour-là, n'y tenant plus, Grand-père se fâcha et voulu lui arracher le carnet. Le levant du plus haut possible, Parrain se défendit. Tous deux faisaient la grosse voix. Je les sentais capables d’une force immense, redoutable. Une puissance qu'ils retenaient avec peine et qui à la fois m'emplissait d’admiration, me forçait au respect et me faisait peur.
C'était affreux de voir mes grands cerfs s’affronter poitrine contre poitrine. Leur poitrine sur laquelle ma tête reposait au rythme de leur respiration et de l'écho de leur coeur. Ventre contre ventre. Leur ventre chaud et doux qui tressautait et me faisait rebondir quand ils riaient. Leurs magnifiques grands bras mêlés. Leurs fortes mains d'hommes s'empoignant.
J'étais tout petit en-dessous d'eux, les yeux grands ouverts implorant ces géants de recouvrer la paix dans laquelle nous nous aimions tant, tous réunis.

Je découvris que l'argent pouvait opposer deux hommes. Justement les deux hommes que j’aimais le plus au monde. Les deux hommes qui à mon sens ne faisaient qu’un avec moi.
Lorsqu'une colère me saisit et que je ne peux pas la retenir, l'image douloureuse, insupportable, de ces deux grands hommes que j’aimais tant, la retourne contre moi. Je me hais alors comme si, petit, j'avais été la cause haïssable de l'affrontement de mes deux grands hommes. Comme si, devenu vieux, j'étais moi-même la cause de la colère qui me prend. L'argent ne me parut pas sympathique. Il me sembla qu'il ne valait pas qu'on se fit du mal les uns aux autres.

En attendant la nouvelle maison, la vie prenait forme autour de la Place Guérin dans un équilibre d'éducation chrétienne et républicaine, modeste et droite.
L'école primaire était presque face à nos fenêtres. L'église Saint Martin et le cathé, tout près. Les appartements de mes grands-parents et de Parrain maintenant seul, se trouvaient presque au carrefour de la rue Navarin et de la rue Massillon. Parrain habitait désormais un sombre petit appartement, en étage, en face du rez-de-chaussée sur cour de sa fille.
Le deux pièces de mes grands-parents donnait sur le couloir qui menait au trottoir, avec une ou deux fenêtres sur la rue. Mais de l’autre côté, une porte-fenêtre ouvrait directement sur une cour et, au-delà d’un modeste muret, sur un jardin encastré entre les maisons, mais bien agréable avec un petit massif rond en son centre. Le grand mur du fond était celui d’une Coop dans laquelle était torréfié du café provenant des colonies de l’époque. Une délicieuse odeur de café brûlé emplissait la cour et l’appartement. Elle me revient en mémoire quand j'ouvre pour la première fois un paquet de café moulu.



A l’angle de la place Guérin, face au café de mes grands-parents et jadis de mon arrière-grand-mère, était ménagée une pompe publique. Les installations d'eau courante, aux éviers et lavabos avaient été endommagées par la guerre et pas encore remplacées partout dans Brest. L'appartement que louaient mes parents n'avait pas encore l'eau au robinet. D'ailleurs, pour autant que je m'en souvienne, il n’y avait pas de robinet. C'eut été de l'eau froide. Pour avoir de l'eau chaude il fallait la chauffer dans une grande casserole sur un petit fourneau à gaz.
A cette pompe publique, nous puisions l'eau dans des seaux ou des brocs. Pendant qu’ils se remplissaient bruyamment, les grandes personnes échangeaient des nouvelles de leurs proches. L'exode revenait sans cesse dans leurs conversations. La guerre qui venait de s'achever et laissait encore beaucoup de familles dans un certain désarroi, mais aussi une autre encore, déjà ancienne, pour les plus âgés, et dont ils disaient qu'aucune famille n'était sortie sans une ou plusieurs pertes. Des familles, souvent paysannes, avaient perdu père et fils. Les femmes avaient dû les remplacer à l'établi comme à la charrue.
Seaux et brocs étaient toujours trop grands. Portés devant à deux mains ils marquaient les genoux. Portés sur le côté ils tapaient les chevilles.
Mais avoir la mission d’aller chercher de l'eau était une victoire pour les enfants. Nous étions devenus grands !
Parrain disait que je le serai tout à fait devenu le jour où les seaux et brocs ne me battront plus les chevilles. 
Tout mon monde se résumait à ce minuscule périmètre en légère pente vers l'église et les halles couvertes, clair et plat sur la place, ouvert, familier, presque sans aucun danger.



Lorsque nous partîmes  habiter la nouvelle maison, dont les travaux avaient commencé en 1952, et que j’allais au lycée Saint-Marc, le quartier de ma naissance était sur mon chemin. A dix ans mes grands-parents m’avaient lâché la main depuis longtemps. Je suivais les trottoirs que je connaissais par cœur. En revenant je faisais de même. Il arrivait que de l’eau coule dans les caniveaux, les jours de pluie ou au moment de leur lavage. Je tâchais de courir à la même vitesse que l'eau et suivais tantôt une allumette tantôt un petit bout d’objet flottant dont je me faisais un bateau lancé dans les flots d’une Amazone tumultueuse ou d’un Atlantique Nord tempétueux. Des obstacles retenaient parfois mon esquif. Alors, beau joueur, j'attendais la vague qui l’en sauverait, jusqu'à l’égout qui l'avalerait définitivement.

Si les vagabondages imaginaires m'emportaient sur des flots lointains, la Terre, la vraie, se limitait aux voyages où m'emmenaient mes grands-parents. Nous partions en autocar passer un dimanche ou quelques jours de vacances scolaires. Loin. Enfin, à quelques kilomètres de Brest.
Le rêve l'emportait sur la réalité du voyage. Nous en étions d'autant plus heureux. Cela nourrissait mon imagination sans qu'une trop facile réalisation vint le rassasier, qui m'aurait laissé repu de nouveauté et revenu de tout. Je crois qu’il en était de même pour mes grands-parents. Notre appétit était toujours intact, plein d'espoir. Prendre la Micheline en gare de Brest pour nous rendre, ma grand-mère et moi visiter l’Ecole d’Agriculture du Nivot fut une révélation, une expérience formidable.
C'était un acquis, j’avais pris le train et visité une école où on apprenait mille choses extraordinaires sur les animaux de la ferme et sur les champs de blé.
Vaincue l'angoisse des bruits des pas dans l'immense hall de gare où résonne le moindre froissement de papier. Loin la peur du souffle de la machine, des hurlements des roues, des claquements des portières.
Vaincue la peur de manquer le départ. De se perdre loin de chez soi. De ne jamais retrouver le chemin.
Peur que, de retour, ceux que j'aime ne soient plus là. La peur de se retrouver seul.

Vaincue la peur de se retrouver seul ?
Ou seulement dissimulée, repoussée dans un repli de la mémoire, prête à revenir renforcée, à la première occasion ?
Occasion de douter de soi ? Douter des autres parce qu'on doute de soi...


Etais-je trop jeune ? Trop occupé de moi ? L’ai-je enfoui ? Je ne me souviens pas avoir ressenti des prémices d’une maladie qui eut rodé autour de Parrain.
J'avais neuf ans.
Il occupait seul une petite pièce indépendante au rez-de-chaussée de notre nouvelle maison, rue Buffon, dans un quartier neuf de Brest. A droite de la porte, une grande armoire et une commode à tiroirs. A gauche, occupant tout le centre, un grand lit avec une tête et un pied en bois orné de motifs plaqués ou sculptés. Deux chevets, une table ovale à abattants. Un fauteuil Voltaire en bois noir et velours pourpre. Une chaise ordinaire.
Le tout serré, luisant de cire, à peine relevé par quelques objets du quotidien et des souvenirs de sa vie passée.
Chacun de nous deux à une extrémité des âges, une complicité nous unissait qui s'exprimait par beaucoup de tendresse le plus souvent resserrée dans cette petite chambre.
Mon enfantine présence semblait le consoler.
Quand il se reposait dans son fauteuil ou faisait la sieste, je me glissais contre lui. J'étais bien, chaud. Il passait son bras autour de moi et le temps s'arrêtait. On dormait ou rêvait, je ne sais, mais ensemble.
Mes incessants baisers, mes rires, mes naïvetés d'enfant, mon insatiable besoin de sa tendresse, d'être sur ses genoux quand j'étais plus jeune, ou tout contre lui dans ses odeurs de vieux monsieur. Celle du savon à barbe qui précédait l'autorisation de déposer un bisou sur ses joues.
Je le distrayais. Peut-être.
A la longue, je l'agaçais. Sans doute.
Sagesse, il n'en montrait rien dont je me souvienne.

Nous étions si complices... Une fin d'après-midi où il était convié à un banquet d'anciens combattants, j’entendis une clef farfouiller dans la serrure. Je compris qu'il était de retour après avoir un peu trop goûté d'apéritifs et de vins, comme ça lui arrivait quelques fois.
De l’étage, je descendis quatre à quatre lui ouvrir avant que le bruit de sa clef attirât ma grand-mère, sa fille. Enfin, sa belle-fille, mais ça ne faisait pas de différence.
J'ouvris et le trouvai radieux, un grand sourire illuminant son visage de beau petit pépé octogénaire. Il avait endossé une veste trois-quarts noire sur un pantalon gris rayé et s'était coiffé d’un melon noir, peut-être posé avec quelque désinvolture.
Un énorme oeillet rouge vif comme une lumière s’agitait à sa boutonnière. Il entra d'une démarche incertaine... et ma grand-mère lui tomba dessus, autant de peur rétrospective que de réprobation.
En silence je souffris de voir mon modèle d'homme essuyer cette tempête et être accablé d'autant de reproches qui tous me semblaient injustes vus son grand âge et sa grande sagesse. Comment ma grand-mère, la fille d’un monsieur si parfait, pouvait-elle imaginer lui dicter sa conduite ?
Que savait-elle, de moindre expérience, et femme, ce qui était bon pour lui ? Savait-elle combien il pleurait quand nous étions seuls dans sa chambre, petit univers ou Parrain me paraissait comme reclus, coupé de sa naturelle bonne humeur par des obligations qui lui étaient faites de se conformer à une façon de vivre qui n'avait pas sa préférence ?
Pouvait-il lui être reproché de prendre un peu de distraction ? Si rarement ?
Il n'avait jamais cessé de me raconter. Je m'étais persuadé que moi seul désormais connaissais le fond de sa tristesse et savais bien l’aider et faire son bonheur. C'était décidé, j'allais être à la fois son fils prévenant, sa fille attentionnée, son épouse décédée, sa mère aimante et son père protecteur !
J'allais lui consacrer toute ma vie. Nous allions être heureux
Très longtemps. Pour toujours !

Pour toujours, peu après, il s’en est allé.
Il avait quatre-vingt-six ans, moi neuf.

Cette nuit, la porte de sa petite chambre resta entrouverte sur une inquiétante demi-obscurité.
Descendu sur la pointe des pieds, en pyjama, au milieu de l'escalier, je fouillais l'ombre de sa chambre et du couloir qui filtrait les murmures. Des silhouettes lentes et penchées entraient, sortaient, allaient et venaient, se saluaient en étouffant des pleurs, se remerciaient d'être venues. Les odeurs familières avaient disparu, remplacées par des senteurs d'église. Dans le noir, en face de l'ouverture de la porte, je devinai la lueur tremblante de bougies, sans doute placées à la tête du lit mais que je ne pouvais apercevoir. Je devinai les chaussures et les jambes de Parrain allongé tout habillé de sombre, les mains sur le ventre, doigts croisés sur un chapelet.
Rien de tout cela ne lui ressemblait.

Je remontai m’enfermer dans le secret de ma chambre, au comble de l’inquiétude, du doute. Au fil des minutes l'angoisse ne cessa de grandir, montant de l'ombre, m'envahissant tout entier pour me dominer.
On a dû m’expliquer, je suppose. Me parler. M'encourager. Me consoler. M'apaiser. Je dégringolai sans comprendre de mon sommet d'illusions tendres. Dans un même mouvement je comprenais et refusais.

Au matin on est venu me dire que je n'irais pas à l’école aujourd'hui.
J’ai fait un brin de toilette, pris un petit déjeuner.
Les grandes personnes organisaient la journée. On retrouvait des vêtements sombres. On se rappelait les avoir portés la dernière fois pour une autre lugubre cérémonie. Cela se reproduisait souvent ces dernières années. La famille était large. Mon grand-père maternel avait onze frères et sœurs.
On se demandait qui serait là. Qui ne viendrait pas. Ou peut-être. Ou sans doute.
Plusieurs fois les fêtes de Noël et du premier de l'an avaient été endeuillées.
Et ce n'était pas fini.
Loin de là. En 1981 encore... Au point de me les faire détester.

La maison et tout le monde fut habillé de noir ou de gris.
Les visages aussi, chacun comme en lui-même.
Je questionnais les regards. Ils me rendaient une expression navrée, spontanée ou forcée. On me prit la main. Qui ? Ma grand-mère ?
Viens embrasser Parrain. Viens lui dire au revoir.

Je suis entré dans la petite chambre, intimidé, impressionné par l'ambiance et  par ces gens dans la pénombre. Les volets étaient laissés clos malgré le jour levé.
J’ai regardé en biais là où d’habitude je voyais Parrain avec un grand sourire.
J’ai entraperçu un profil vaguement éclairé par les bougies tremblotantes.
C'était Parrain mais ça n’était pas lui, ce visage livide aux yeux clos sans expression.
Ces mains blêmes qui ne m’accueillaient pas.
Cette statue de marbre ne pouvait pas être lui !

Puisqu'il le fallait, j’ai posé un baiser sur son front qui ne s’est pas tourné vers moi. Mes lèvres n’ont rencontré qu’un froid indifférent qui m’a glacé.
Un froid qui ne pouvait pas être lui.
Ensuite je ne sais plus.
Je n'eus plus désir que de secrets qui fussent siens et n'aimai de secrets qui ne ressemblassent aux siens et que nous partagions. Par la suite je n’ai jamais pu dormir seul dans sa petite chambre et ne suis plus passé devant la porte sans ressentir le froid mortel de ce dernier baiser.
Quand, beaucoup plus tard, je perdis deux autres de mes plus proches, j’ignore ce que mes yeux virent. Je sais que, malgré mes efforts, mon cœur n'a jamais été capable de reconnaître là mes aimés. Je n'ai jamais pu embrasser leur front glacé qu'emprisonné par un combat entre amour et terreur.


J’ai transmis la maison à des petits neveux. Leur jeunesse y a rallumé des couleurs. La petite chambre ouverte sur le couloir élargi ne fera plus peur.
Parrain habite dans ma mémoire, une vaste maison où il a toute la place et, quand il le veut, sa petite chambre. Les portes sont ouvertes, les clefs ne servent pas. Il entre comme il veut, ça ne dérange pas.
Il porte un oeillet rouge et un chapeau melon.
La peur n’existe plus.
Elle ne rendait personne heureux.


Pas tout de suite, mais certains jours suivants, je rouvrais la porte de la petite chambre.
Mon petit coeur battait fort et vite.
Les volets demeuraient clos. J’allumais la suspension opaline au centre du plafond. Je ne l'avais jamais ressentie si terne et triste.
Même en regardant attentivement son lit recouvert d’un grand dessus vieux-rose, je ne suis pas parvenu à reproduire la silhouette de Parrain. Peut-être que, si j'y parvenais, il serait encore là ? J'échafaudai mille hypothèses. Aucune ne ramenait Parrain.
De mois en mois, je suivais l’évolution des traces de lui qui fuyaient sa petite chambre. Je prenais en main ses crayons, sa canne, sa pipe, son rasoir-couteau et son blaireau, ses lunettes rondes. Aucun ne détenait le secret qui sache ramener Parrain. Pas même son oreiller ni son fauteuil. Certains jours plus chauds et humides que d'autres réveillaient les parfums de ses habits où j'enfouissais mon visage.
Grand-père avait adopté le savon à barbe de Parrain et ses joues le parfum des joues de Parrain. Quand je les embrassais j'embrassais quatre joues en même temps, deux sourires et deux hommes aimés.

La commode fut donnée à une tante chez qui je la revis de temps en temps. Mais sans joie car j'avais entendu parler de négociations, d’héritage, de partage, de rancunes. Nul doute, ces choses n'étaient ni heureuses pour Parrain ni favorables à l'unité de la famille.
Un à un les objets s'en allaient. Le linge était lavé au sous-sol dans la lessiveuse bouillante. J'ai retenu dans ma malle aux souvenirs ses lunettes rondes, son crayon magique, son chapeau melon.
Quand ce fut l’heure, je fis mettre des verres bleus aux lunettes rondes. Comme dans Easy Rider. Comme John Lennon.
Pour voir les ciels toujours bleus. Peace and Love.
Là était une solution.
Dans le bonheur tendre Parrain revivait mieux que dans la nostalgie.



ÂGES.

Derrière la maison Ker Heol, poussait un arbrisseau dont le tronc fluet avait par fantaisie dessiné des fourches à des hauteurs idéales pour caler une cuvette d’eau, une petite boite pour le blaireau, le savon à barbe et le rasoir, un petit miroir au cadre en métal avec une chaînette un peu rouillée pour le suspendre.
C'est là que, les chauds et beaux matins d'été, les hommes de la maison venaient faire leur toilette. Moi aussi bien entendu, mais sans le savon à barbe. Parrain ou Grand-père m'aidaient dans cette entreprise que j'étais tout prêt à solder s'ils oubliaient d'insister. J'étais par contre tout à fait partisan que, eux, la refissent plusieurs fois.
J’observais mes grands hommes dans l'art de la toilette.
Dieu qu'ils étaient beaux, le torse nu au-dessus de leur ceinture de flanelle et leurs culottes de velours, les bretelles tombées !
Je n'en perdais rien.
Ce qui me plaisait le plus c'était de voir le blaireau mousser de chantilly toute blanche. En mouvements tournants et précis, ils se maquillaient le visage et le cou comme les clowns du cirque et me faisaient rire aux éclats par de rigolotes grimaces ou me menaçant en riant, le blaireau de mousse à bout de bras. Puis, changeant d’avis, ils enlevaient toute la mousse d'un coup de rasoir. De temps en temps cet art se ponctuait d’un furieux gros mot. Ils s’en allaient et revenaient avec un petit carré de papier JOB collé sur le menton ou la joue.
Le plus souvent à la fin de cette pièce comique j’avais l'autorisation de faire un baiser sur leurs joues toutes douces et parfumées. Parfois d’un geste vif ils déposaient un flocon de mousse banche sur le bout de mon nez. J'en louchais de bonheur. Ils riaient.
Qu'ils étaient beaux. Qu'ils sentaient bon. Qu'ils riaient bien, mes grands hommes !
C’était quand même étrange. Ils me paraissaient être faits à peu près comme moi, en plus grand. Et cependant chaque chose était différente. On essaierait de comprendre ça plus tard, mais pour le moment quel émerveillement devant leurs personnes si bien construites, sculptées, abouties dans leur architecture. Ils étaient des monuments, des paysages et des églises les plus parfaitement admirables et aimables du monde. Dieu avait créé en Parrain et Grand-père ses incontestables chefs d'oeuvres.
Qu’il m’en faudrait de temps pour devenir beau comme eux !
Peut-être aux prochaines grandes vacances ?




La patine de leur âge témoignait des poignants efforts que Parrain, grand-père et leurs amis paysans que nous rencontrions à Roquinarc’h, avaient renouvelé sans cesse pour vivre et perpétuer la vie. Semer, Planter. Lever, faucher, faner. Nourrir, soigner, traire. Empierrer, bâtir. Aimer, semer, faire naître.
De même les vieux pêcheurs de l'île-Tudy avec lesquels, assis sur un banc près du cimetière ou sur la cale, ils regardaient au loin en causant ou tirant sur leur pipe.
Réparer et repeindre les sardiniers et chalutiers en bois. Remailler les filets déchirés, étirés sur les portants en bois qui servaient aussi aux femmes à sécher le linge, de l'autre côté de l’île.



Embarquer la baugue, la glace, les caisses, les paniers de gros osier et le vin. Larguer les amarres quel que soit le temps et la mer.
Partir tôt, le poum-poum-poum-poum des diesels sonnant avant le jour levant. Revenir moteur à fond pour la criée, entourés d’un nuage de mouettes plongeant dans le sillage quand les marins étêtaient et vidaient les poissons rincés à l’eau de mer.
Débarquer les caisses de poissons bien rangés et les cotriades. Laver le pont, les lignes et les filets.
Naviguer au Métier ou au Grand Métier, ce qui était nourrir les siens, et, selon les récits romantiques, n’était ni vivre ni mourir.
Les Hommes, Marins et Paysans, arrivés à leur grand âge, me parurent avoir tout donné. La naïveté de leur chair. La force de leur dos et de leurs mains déformées. Tout de leurs angoisses profondes. Jusqu'à l'espérance de leur regard bleu rougi par la fatigue et le vent salé. Leur vie.
Ils ont perdu tant de leurs amis sous un char qui verse, sous un bateau qui coule, sous un obus qui tombe.
Leur en témoigner reconnaissance. Dévotion même. Ajouter un peu plus de sens à leurs souffrances grâce à quelques sourires d'enfant. Justifier leur sacrifice pour nous nourrir ou nous défendre. Que leur vie ne demeure ni inutile ni vaine.
Que tombent en culs de basses-fosses ceux qui les menèrent à la guerre. Toutes ces croix blanches, ce ne sont pas des cimetières, mais des hommes qui reposent.



Je trouvais grâce à mes yeux en leur dédiant mon attention, ma tendresse, mon amour. Conduit par la passion. Cela n’allège pas leur fardeau. Mais pour quel confort personnel leur compter ce don de soi ? Mesure-t-on une passion ? Vivre un peu plus pour soi, un peu moins pour eux ? Cette passion qui fleurit mieux à l'abri de la lumière et se cultive en un secret partage n'est-elle pas ce qu’on doive leur offrir de plus pur ?

On dit que les Vieux sont égoïstes.
C'est plutôt que, pour certains moins ne prise sur le monde, leur horizon se réduit comme leur champ de vision. Leur santé les préoccupe et interpose un voile entre eux et la vie. Parfois leurs sens affectés, vision, audition, goût, odorat,  et leur mobilité lente et hésitante, si ce n'est douloureuse, les empêchent d'aller aux fêtes et réunions qu'ils fréquentaient jadis. Aux enterrements d'amis aussi. Peu à peu leurs centres d'intérêt s'éteignent un à un, et, pour les plus isolés, ils ne sont plus en tête à tête qu'avec eux-mêmes.
Ceux qui conservent l'envie alliée à la capacité de s'intéresser à l'autre, sont peut-être plus rares que ceux qui ont abandonné. S'ils avaient des désirs, ils n'auront rencontré qu'indifférence et éloignement. Certains se plaignent. Beaucoup se taisent.
Vous allez bien, papy ?
Oui, oui... Quo faï be...
Ils souhaiteraient bien qu'on se rappelle leur prénom. Mais s'ils le dirent, ils ont cédé sous le nombre. De Jean ou Jeanne, ils sont devenus papy ou mamy. Et qu'on ne leur raconte pas que ce fut une promotion. Quand ils ont eu leurs premiers petits-enfants, ça a ressemblé à un supplément d'affection voire de respect. Ce fut très provisoire. Ensuite on a veillé à éloigner les petits pour que les traditions radotées par papy ou mamy n'écartent pas les new american ways of life, iphones-coca-selfies and fastfoods. Comme s'il y avait une incompatibilité. En définitive, ils devinrent gênants. Peu ou prou.
Vous serez mieux à la maison de retraite avec les personnes de votre âge, hein papy ?
On s'occupera bien de vous et vous retrouverez des amis. Et nous irons vous voir...
Tu parles. Même fort âgé on sait traduire par "Maintenant que le partage est fait, si tu débarrassais le terrain ça nous irait bien".
Mais on t'aime bien, tu sais !
Oui, oui, je sais...

On dit que les Vieux sont égoïstes...

Imprégné comme je le fus, sans craindre de vous tromper, vous pouvez me qualifier d'aphamégamaniaque
Voire d'aphamégamonomaniaque...

Au départ de ces hommes que j'aimais, plutôt que mettre le cap vers des avenirs ambitieux, j'ai ancré mon bateau à leur port. J'ai ferlé les voiles soigneusement en prenant mon temps et décidé de descendre à terre cultiver leur jardin que j'ai fait mien. Pour qu'ils restent présents parmi nous avec les bienfaits qu'ils nous apportaient. Pour prolonger leur vie dont la mort n’est qu’une étape qui leur permet de nous accompagner sur notre propre chemin.
Voudrait-on dire que vivre cela et de cette manière n'est pas exister pleinement ?
Vivre intensément le manque qu’ils ont laissé. Affection pour ceux qui s’en sont allés. Cette porte que les disparus laissent entrouverte d'eux à nous, peut être tendre, voire joyeuse, à la mesure du souvenir des bons moments partagés. N'est-elle pas une façon que les disparus ont de converser avec nous, de ne pas lâcher notre main dont ils ont besoin pour marcher sans peur dans leur nuit ? Cette main dont nous avons besoin pour suivre notre chemin.
Fermer cette porte n’est-ce pas les abandonner ? Une absence ne prépare pas à d’autres absences. Une mort ne prépare pas à d’autres morts.
Un inconnu m'arrivera sur le tard qui comprendra à quel point les circonstances et les lieux s'étaient conjugués pour que, enfant, je connaisse ce partage avec mon arrière-grand-père. Nous échangerons les moments de nos passés en posant nos pas, lui dans mes sentiers, moi dans les siens. Dans notre sentier commun jusqu'à ce qu’il se perde.
Parrain, si présent dans les images de mes souvenirs, n’était pas mon parrain.

Qui était le père absent des images et des souvenirs de mon enfance ?
Sait-on jamais qui sont les hommes ?


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